samedi 20 juin 2009

Journal de tournée - Mai 2009

9 avril Canteleu

Je ne croyais pas si bien dire lorsque je m’adresse au public en avouant être heureux de jouer dans la province de Flaubert.
En effet j apprends après le concert que Flaubert habitait Canteleu et que ces manuscrits sont soigneusement conservés dans la bibliothèque de cette petite ville semi bourgeoise, semi dortoir qui surplombe Rouen.
Parcours fléché , la ville de Rouen se plie sous le poids de la bourgeoisie et la surveillance de sa cathédrale et ses très nombreuses églises , imposantes , magnifiques . Comme d’habitude très peu de temps pour visiter la ville , mais j’en garde une image assez précise .
La vue que m’offre ma chambre me transporte rapidement dans une autre époque , les toits , les jacobines , les flèches des églises perdues dans le ciel , les rues étroites ....

10 Avril

Je passe un très bon moment avec Jon Hassell et Mathieu jeune journaliste aux allures de Rocker de Manchester.
Jon est réellement réconfortant, son regard, son parcours, sa verdeur, quel bonheur. Il est un de nos maitre tant il nous a influencé.
J’apprends au détour d une phrase que Jon a composé et joué des claviers dans les 2 extraordinaires albums Fourth Worlds sorties en 1974 sous les 2 noms Eno Hassell .
A mon sens il s’agit des premiers enregistrements electro Jazz .... et un son, un nouveau son, a l’opposé du son de Miles, Jon utilise des harmonisers pour trafiquer la trompette. Beaucoup d’émotions , d amitiés , quelques regards, un monde de question inabordée et Jon reprends son train pour Londres ou il rejoint Eno .

15 Avril

Nous nous dirigeons vers Poitier, nous écoutons la solitude de Leo Ferre, dans le bus Mercedes, traversant la France profonde , verte et campagnarde , industrielle et agricole.
J’ai du mal a me concentrer sur les mots avec Leo qui gueule et qui hurle, il en avait dans le ventre le vieux Leo et il ne mâchait pas ses mots ...


18 avril Reims

Voici le résultat, après 2 coupes de champagne offertes par les délicieux responsables de la cartonnerie de Reims , je dois réécrire mes 3 premières phrases, je patine, je me ratatine, je piétine, la date apparait au milieu d'une phrase....

Vue de ma fenêtre , une grue , le ciel gris et plombé, les toits , des jacobines soigneusement dessinées , les feuilles rouges d’un érable qui se réveille au printemps, un vélo avec un panier accroché au guidon , une poussette verte et 2 chaises de jardin blanches soigneusement disposées autour d une table.
Décidément je reste convaincu que l on devrait contrôler et légaliser le cannabis. Les produits seraient de qualité, l’Etat pourrait ainsi récupérer une taxe et la redistribuer pour la création, et aider les artistes en difficulté dont je ne fais heureusement pas encore partie .Je m’en vais soumettre ce projet a l Elysée.
Je me rappelle qu’il y a quelques années , des députés qui prônaient la légalisation avaient offert un joint a chaque député, je m’imagine leurs enfants subtilisant cet objet fort embarrassant , ceci dit je ne suis pas un fumeur de joint au quotidien , cependant je dois dire que la taxe que les quadragénaires payent au petit matin avec le rire de la fumée et bien inferieur a celle des bulles de champagne . Talvin nous assure que lorsqu’il tournait avec Bjork il y avait toujours quelques bouteilles de champagne dans les loges, et je dois avouer qu’il en est de même pour les concerts avec Christophe.
Talvin Singh compose, je ne perçois qu’une partie du rythme au travers de son énorme casque qu’il a enfilé sur son bonnet de lutin bleu .
Le concert de la cité de la musique il y a 2 jours nous a ravis , le public de Reims était bien sérieux mais a l’écoute , un jeune photographe talentueux nous a gratifié de sa présence et d une expo photo très réussie dans le hall de la cartonnerie .
Le dernier livre de Jim Harrisson me fait sourire, j’apprécie son décalage, son machisme éhonté, sa grivoiserie et sa randonnée au travers de l’Amérique profonde est stimulante.
Talvin Singh me conseille d’envoyer un de nos live a Obama , histoire de tourner aux Etats Unis , je vais y songer , il compose et je ne perçois qu une partie du rythme au travers de son énorme casque qu il a enfilé sur son bonnet de lutin bleu . Talvin nous confie que lorsqu'il tournait avec Bjork ils faisaient des concours de remix dans le bus,....

Arrivé a Strasbourg nous rencontrons l‘équipe d’oxmi Pucino , le soir même il m’invite pour jouer sur l’enfant seul , je suis charmé par la présence chaleureuse et réconfortante d oxmo , tout en rondeur et en sensualité, son groupe est bon.


Notre première partie n’était pas évidente , le public est venu en partie pour Oxmo , il est bruyant et alors que nous commençons le concert nous entendons un groupe qui joue dans une autre salle , la musique du trio , c’ est une ballade dans le désert , elle prends tout son sens dans le silence de la nuit .
Nous développons une énergie sur scène qui englobe rapidement le public, bonheur !

19 avril Freiburg

J’aime et je déteste l’Allemagne, les rues extrêmement propres, les routes parfaites, les maisons si bien entretenues , la nature trop domestiquée ,j’ai toujours le sentiment d’être dans une clinique de luxe pour retraités dont le meilleur moment reste celui ou l’on sort et pourtant … les allemands sont adorables , le public est très mélomane , chaleureux , et c’est un bonheur que d’avoir joué ce soir a Freiburg après 6 ans d’absence .

21 Avril 09

Une cigogne frôle le part brise du bus, elle reviens d’Afrique, sans papier !
La ville de Stanz ou nous avons joué hier se niche au creux d’une montagne, dans un paysage digne des descriptions de Charles Ferdinand Ramuz,
Quelle bonheur de quitter le béton .....
Laurent fait du parapente, je l’aperçois, survolant le lac de luzerne, une bière dans la main gauche, l’Iphone dans la main droite.
Le concert met du temps a démarrer, je ne comprends pas ce que Talvin fait, il s’accorde, écoute la musque et j’aimerais sentir derrière moi la pulsation de ses subtils grooves.



9 mai


La rumeur des muezzin parvient a peine a couvrir celle de la ville . La journée est belle et des myriades de bateaux s’épanouissent sur le Bosphore ...
Hier soir le club Babylone fêtait ses 2o ans et j’ai eu le bonheur de jammer au cotés du band Istanbul session avec qui je vais enregistrer et un clarinettiste tzigane incroyable , Husnu Senlendirici,
De ma chambre je guigne , j’observe la vie d’en haut, les toits de la ville, une famille se réunit autour d’une balançoire ou sont assis des enfants, des ouvriers terminent le fameux hôtel Pera palasdans auquel descendaient les passagers de l’Orient Express … dont Agatha Christie .Les minarets se dressent fièrement face a la mer, Sainte Sophie est assiégé par la mosquée.

(Gare ferroviaire d'Istanbul : Ihlan , Ize, Erik)

Je pense a Bouvier et son collègue qui essayaient de vendre des dessins il y a bien longtemps pour alimenter leur voyage et leur quotidien. Je pense a Kundera et son dernier livre, une rencontre co Gallimard, magnifique de précision, d humour de relativité et d écriture.
Kundera est écrivain formidable, fin, subtil et poétique.
Son dernier livre, une rencontre est un délice, il est inspiré, riche et drôle a la fois. Une seule épine, il vénère la fidélité en amitié … jusque la tout va bien mais il prend en exemple François Mitterrand.

François Mitterrand fut fidèle entre autre a Bousquet, et dans ce cas la je dirais qu’il s agit d’une complicité trouble, malsaine, dégueulasse .Enfin Rilke s attarde beaucoup sur ce sujet, l’art doit être libre de tout jugement .... le débat est ouvert.
Il y a un passage sur le rire qui me plait particulièrement, je me sent en symbiose totale avec son analyse lorsqu’il est effaré par des émissions de TV ou tout le monde rit, lorsque je tombe sur ce genre d’émissions, de gags en gags je me décompose, pour finir par éteindre la télé que je consomme déjà avec parcimonie. Rarement.

Comme le dit si bien Kundera, face a ce genre d’émissions, bruyantes ou tout le monde réagit en faisant des gestes exagérés je me sent condamné a vivre dans un monde du rire sans humour.

Kundera imagine un héros de Dostoieviski , Eugénie Pavlovitch débarquant dans une de ces émissions ,d’abord il est ahuri puis il rit de cette comique absence de comique . C’est a peu près ce que j’essaie de faire dans toute les situations protocolaires et ennuyeuses, Pavlovitch débarquant dans une de ces émissions, d’abord il est ahuri puis il rit de cette comique absence de comique.
C est à peu près ce que j’essaie de faire dans toutes les situations protocolaires et ennuyeuses .... .



13 Mai

Nous traversons les plaines de l'Anatolie avec Istanbul Session. Je suis renversé par la beauté des lieux. Le train survole d'immenses plaines à la fois sauvages et cultivées, protégées par des petites collines de sable. Le tout évoluant dans une large palette de couleur allant du vert aux bruns divers.
De temps à autre quelques maisons aux toits rouges se regroupent autour d'une mosquée. Je n'avais pas vécu une telle notion d'immensité depuis le voyage que nous avions fait de San Fransisco à Los Angeles avec le quartet.
J'écoute Gabriel Fauré maître de l'espace et je rêve de traverser ses immensités sur un cheval.
Chaque musicien semble faire ses leçons sur son computer, le nouveau chien, fidèle berger urbain.



14 Mai



Aéroport Charles de Gaulle.

Deux contrôles de passeports, 45 mn pour récupérer les bagages. Embouteillages, pluie, train raté, bienvenue en France !

LES PHOTOS DE L'ENREGISTREMENT